dimanche 10 mai 2009

Par d'autres chemins...



Le cœur empli d’interrogations restées sans réponse trois années après son ordination, Adrien décide un beau jour de quitter les ordres pour assumer pleinement ses désirs et trouver dans les bras d’un jeune Afro-Américain fraîchement débarqué à Paris un sens à son existence. Loin pourtant d’avoir trouvé dans cette relation l’apaisement et la consolation espérés, il retrempe malgré lui, à l’épreuve de la vie et de ses chemins de traverse, aux sources de sa foi et de ses engagements. Tourmenté par les fantômes d’un passé familial douloureux, Adrien se penche alors avec courage, mais sans trouver dans les mots le réconfort attendu, sur les sinuosités d'un parcours fait d’intranquillité et de solitude.

Par d’autres chemins, roman intimiste où alternent invocations silencieuses à un Dieu désespérément absent, relecture des pages d’un journal intime et monologues fortement baignés de mysticisme signe l’entrée réussie en littérature d’un auteur proche à bien des égards de son personnage. S’inscrivant dans un climat tendu au sein même d’une communauté de croyants ébranlée par les récentes déclarations de Benoît XVI, Par d’autres chemins n’est pourtant en rien une charge contre les atermoiements de l’Eglise sur les questions cruciales de la sexualité et de la crise des vocations tant sacerdotales que religieuses. Bien que, comme le soulignait en son temps Paul Valadier dans Eloge de la conscience (Editions du Seuil), « par ses structures institutionnelles, par son encadrement et son contrôle de la vie religieuse et morale des fidèles, par l’élaboration d’une morale casuistique minutieuse, [l’Eglise] encadre à ce point le comportement individuel qu’elle semble bien rendre vain le recours à la conscience ».




Hugues Pouyé a bien au contraire la finesse et le talent de nous guider vers d’autres rives, plus familières, moins convenues, où nous attendent des questions bâillonnées avec tant de mal par une Raison tout sauf triomphante. « Bien des fois, Adrien avait voulu interrompre le travail, cessé de dénouer l’impossible. Pourtant, il avait continué. Continué à chercher d’où lui venait l’amour du semblable, à chercher pourquoi il s’était lancé à corps perdu dans cette “suite de Jésus”. Jésus-Absent, Jésus-Amant, Jésus, tour à tour mère, grand frère, consolateur, au gré des images que délivrait son inconscient ». L’état de confusion d’Adrien, sa façon d’aimer l’Autre sans réserve au risque de manquer d’attention lors des rares moments de grâce que lui offre la vie nous inclinent à porter un regard bienveillant mais lucide sur la sincérité de nos propres promesses et de nos attentes.

« Ces mots me font craindre ce que j’aurais dû comprendre plus tôt. Il m’aurait mieux aimé que je l’ai aimé, mieux ou autrement. Au point de prendre mon chemin. Il ne serait donc retourné place Dauphine que pour s’assurer que je n’y étais pas et qu’il avait raison de me chercher ailleurs ».

Revenant trop avant sur ses pas, ressassant ses vieux souvenirs, manquant à ce point d’indulgence envers lui-même qu’il en oublie de voir tout ce que les choix de Malcolm peuvent avoir d’exemplaire et de signifiant, Adrien vivra le chemin de croix de celui-ci comme l’apôtre Pierre avait assisté à la Passion du Christ : aimant, faillible, emporté, faible, humain, trop humain…

Un livre à découvrir.

 

Hugues Pouyé, Par d’autres chemins, L’Harmattan.

 

Parution L'Hebdoscope du 20/05.

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