dimanche 11 janvier 2009

Israël survivra-t-il?


Hommes de probité et figures du dialogue entre les cultures et les peuples, Antoine Sfeir et Théo Klein proposent dans Israël survivra-t-il?, paru aux éditions de L'Archipel, une lecture éclairante des événements survenus depuis 1948 et des pistes de réflexion pour sortir le pays et la région de la crise.

 

Momentanément relégué de la scène médiatique par une actualité focalisée sur la grand-messe olympique, le plébiscite d'Obama lors de la convention démocrate et le coup de force des troupes russes en Géorgie, l'Etat d'Israël a fêté le 14 mai dernier le soixantième anniversaire de son indépendance sur fond de turbulences à la tête du pouvoir et de tensions quotidiennes entre les différents groupes ethniques, culturels et religieux. Jamais, déclarent en substance Antoine Sfeir et Théo Klein, la société israélienne n'aura connu une crise identitaire aussi profonde, un renfermement communautaire de nature à remettre en cause la réussite de son creuset national. Dans une série d'entretiens retraçant les grandes étapes de la création de l'Etat hébreu, ils égrènent la longue litanie de rendez-vous manqués, soulignent le manque de clairvoyance et l'absence de courage politique, déplorent l'instrumentalisation du conflit par toutes les parties prenantes et la montée aux extrêmes des opinions.

Renvoyant dos à dos tous les acteurs du conflit en les replaçant face à leurs responsabilités passées et présentes, ils rétablissent opportunément certaines vérités bonnes à dire mais difficiles à entendre dans des sociétés fortement tentées par une ghettoïsation volontaire, clanique, tribale ou confessionnelle, de part et d'autre de la Ligne verte : « L'un des drames des pays arabes est d'avoir perdu leurs populations juives ». Klein et Sfeir, tout en condamnant l'obsession sécuritaire et les visions à courte vue de la classe politique et des généraux, n'oublient jamais l'extrême complexité d'un pays où destin collectif et conflits intimes semblent inextricablement liés.

S'ils appellent de leurs voeux l'intégration culturelle d'Israël dans la région (« Israël est en train de devenir un pays arabe comme un autre » ; « Les Juifs d'Israël doivent faire un effort pour se reconnaître comme les cousins des Arabes. (...) Pour trouver une solution de survie entre eux, ils doivent se reconnaître comme des proches parents partageant une Histoire commune »), ils n'oublient pas la peur quotidienne des attentats, le poids des traditions, des contraintes religieuses et des habitudes de pensée très imprégnées de rhétorique coloniale et l'instabilité chronique des derniers gouvernements.

Théo Klein, ancien président du CRIF de 83 à 89, insistant sur les contradictions entre l'enseignement et la parole de Dieu, n'en déclare pas moins : « Que les Israéliens doivent devenir orientaux ne signifie pas qu'ils doivent abandonner leurs acquis, mais qu'ils acceptent d'être de cette région et qu'ils essaient de mieux la comprendre ».

Terre d'utopies et de rêves avortés, Israël résistera-t-il sans faillir à sa vocation aux vents mauvais des intégrismes et de la haine, aux implantations illégales et à la violence? Autrement dit, la société israélienne pourra-t-elle longtemps être oublieuse des racines religieuses, politiques et éthiques au fondement de sa légitimité historique? « L'une des vocations d'Israël, au regard du passé et du parcours d'errance du peuple juif, est précisément de ne plus permettre qu'une minorité soit oppressée dans cette région. (...) Israël doit en quelque sorte devenir garant de la liberté de culte et de non-culte ». 

Comme pour devancer les objections des plus sceptiques, Théo Klein et Antoine Sfeir avancent arguments de bon sens et propositions audacieuses à l'appui de leur espoir d'une normalisation de la situation : projet de création d'un ensemble régional sur le modèle du Benelux incluant Israël, le futur Etat palestinien et la Jordanie (voire le Liban et...la Syrie!), retour généralisé de l'enseignement de l'arabe dans les écoles israéliennes, mise hors jeu de la diplomatie américaine, enterrement définitif du projet du Grand Israël, pacification des moeurs pour empêcher l'émergence d'une citoyenneté communautaire...

« Le Palestinien est le passeport de l'Israélien pour le Moyen-Orient (...) l'Israélien est la garantie pour le Palestinien de pouvoir construire un jour son pays ».

Une parole à méditer et un ouvrage à découvrir sans délai.

 

Théo Klein et Antoine Sfeir, Israël survivra-t-il?, Editions de L'Archipel

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